Partie 2, Chapitre C

Publié le par tpe-guignols-de-l-info.over-blog.fr

 

C) Le rire que provoque les Guignols.

 

«La plus perdue de toutes les journées est celle où l’on n’a pas ri.» Chamfort

 

 Cette double nature du rire (individuel/social) mérite qu’on s’y attache car elle permet de dire quelque chose sur les façons d’être actuelles. Si on peut admettre que le comique fait rire,, il y a différents types de comiques: de façon classique, on pouvait distinguer entre un pôle «bas», corporel et un pôle plus raffiné, plus intellectuel. On pouvait distinguer entre les blagues, les histoires drôles, bien souvent «en-dessous de la ceinture» et les mots d’auteur (Raymond Devos) plus ou moins spirituels. Du rire « gras » au sourire, il y avait toute une gamme de réactions possible, impliquant toute une série de jugements de valeur sur ce qui convient ou pas, le rire sanctionnant une inadaptation de l’individu à ce que la société attend de lui.

 

Les Guignols de l'info se veulent plus modernes, ils rejettent le recours à l’animalisation jugé trop facile, séduits par la parodie généralisée en mettant en scène les puissants du jour (hommes politiques, artistes, etc.) dans des scénarios inspirés de la publicité, du cinéma. Déjà on notera une première transformation: s’il arrivait aux comiques d’utiliser des matériaux tirés de la publicité, par exemple, avec les Guignols le procédé parvient à son achèvement. La télévision et l’industrie de l’entertainment en général deviennent leur propre centre de référence: s’il faut parler de la vie, c’est de cette vie en image, de cette représentation au second degré. Le détachement à l’égard du réel commence : en passant par les formes existantes de la société du spectacle, en présupposant une connivence du téléspectateur qui reconnaît, non pas la vie dont on lui parle, mais les formes stéréotypées (jingles, slogans, films); la satire risque de devenir parodie. Le recours aux marionnettes a certes permis un développement de la satire, inégalée jusque là, puisque le double en latex n’est pas la personne représentée, ce qui évite la diffamation. Le revers de cette grande liberté fut que la satire perdait sa dimension subversive jusqu’à produire des effets inattendus (de ses auteurs): ne dit-on pas que les Guignols de l’info ont contribué à rendre sympathique l’image d’un ancien président auprès de l’opinion ? Devant des marionnettes, aussi bien imitées soient-elles, le rire peut bien se produire mais le dispositif confine la satire dans le domaine de la pure représentation. Le propos des auteurs des Guignols a beau être politique ou politisé, il est atténué par son mode de représentation. La latiniste Florence Dupont nous rappelle un élément intéressant: les Romains contrôlaient ce qui se passait au théâtre et interdisaient toute allusion au présent car il n’y a rien de plus propice à la révolte qu’un lieu où un public harangué par un acteur . De la déclamation à l’appel à la révolte, un pas est vite franchi. Le dispositif des marionnettes rend impossible cette situation où la représentation théâtrale pourrait devenir autre chose qu’une simple représentation (sans jamais devenir une réunion politique). Entre le théâtre ou la salle où le comique s’adresse à son public qui a fait l’effort de venir le voir, comme jadis les conspirateurs assistaient à leurs réunions clandestines, et le théâtre de marionnettes, auxquels assistent de loin les spectateurs, il n’y a plus rien de commun.

 

Après la disparition du Bébête show, les Guignols obtiennent le monopole de la (pseudo-)satire politique. A partir de ce moment, les différents protagonistes du comique se transformèrent: le comique reste toujours le miroir dans lequel se reflète le spectateur mais ce qu’il y voit, c’est sa particularité psychosociale ou ses travers. De même que la comédie est la représentation d’hommes bas, comme le disait Aristote, le comique contemporain s’est mis à représenter l’humanité de l’homme moyen, en laissant le soin de la satire politique aux Guignols. Comme la nature comique a horreur du vide, on voit depuis quelque temps une nouvelle approche du comique qui complète mécaniquement ce que ces comiques du quotidien ont de fade : l’outrance verbale, le ricanement, la méchanceté gratuite sont devenus des moyens assurés d’avoir du succès pour faire rire le public. On s’en tirerait trop facilement en disant que la foule aime les grossièretés.

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